mercredi 10 novembre 2010

Avoir de l'avance sur son retard ou être en retard sur son avance?

Il me semble inévitable et salutaire de nous poser certaines questions. Pas tant sur nous mêmes que sur l'objectif éducatif poursuivi et sur la manière dont nous devrons nous positionner par rapport à l'école.

  1. La première: notre enfant précoce est-il en avance?
  2. La deuxième: quelque chose doit-il être fait de cette avance?
  3. La troisième: avons nous une influence? ou même souhaitons nous avoir une influence?

Ce sont bien évidemment des questions que nous nous posons depuis que nous nous rendons compte qu'Alexis est différent. Ce sont en partie des questions que nous aurions pu/du poser à la psychologue qui l'a testé, mais que nous ne sommes pas parvenus à poser ce jour là pour diverses raisons. Je me décide à les mettre autant que possible par écrit dans l'espoir que ça éclaircira notre pensée. La mienne, en tous cas.

L'autre jour la mamie d'Alexis a eu cette petite phrase qui en substance disait:
"ce n'est pas grave s'il prend du retard à l'école sur un point, vu que de toutes manières, il est déjà tellement en avance"
 Alexis serait donc en avance. Par rapport aux autres enfants de son âge et de sa classe, c'est vrai qu'il sait plus de choses. Son apprentissage est en avance (pour le moins) sur le calendrier scolaire. D'ailleurs l'idée commence à se faire doucement dans sa tête, que tout ce qu'on lui apprend, il le sait déjà, de toutes manières. Je n'ose lui demander s'il a l'impression que l'école est inutile, je suis inquiet de la réponse.
Cela signifierait que pour être en phase avec le calendrier scolaire, il se mette à arrêter d'apprendre, d'un certain point de vue, qu'il retarde son avance. Cela reviendrait à lui demander ce que l'on peut lire de multiples fois: le castrer dans son besoin d'apprentissage. Sa rapidité d'apprentissage étant en effet biologique, et permanente, il ne lui sera jamais possible de ralentir sa cadence à moins de se mutiler mentalement.
La solution n'est bien sûr pas envisageable pour nous, même si c'est celle que se sont imposées des générations d'enfants précoces, dans leur désir d'être moins maltraités, d'être mieux intégrés par l'école, les maitres, leurs "copains" de classe.
Pas envisageable pour nous, c'est vrai. Mais l'air de rien, c'est celle qu'Alexis tente de s'imposer en classe, quand il dit préférer s'ennuyer pendant toutes ses heures de classe plutôt que de se démarquer à faire des leçons de français et de mathématiques de CE1.



Reprenons. Alexis est donc bien en avance dans ses apprentissages, par rapport aux autres enfants de son âge. Mais que faire de cette avance? Existe-t-il, en primaire tout au moins, une possibilité de satisfaire son besoin d'apprentissage et sa rapidité biologique d'apprentissage, sans augmenter le décalage existant avec les autres enfants?
Car enfin il semblerait que nous n'ayons guère de choix: soit il s'ennuie en classe à réécouter les autres enfants se faire répéter 10 fois les mêmes choses qu'il sait déjà, en restant dans la classe de son âge, soit nous faisons en sorte qu'il saute une classe, et pendant au moins le temps qu'il mettra à se remettre à niveau, il sera dans un processus d'apprentissage à peu près stimulant. Mais là où ça devient complexe, c'est qu'il n'a pas juste un décalage d'apprentissage en même temps qu'une même rapidité que les autres pour apprendre. Il a apprend avant tout plus vite. Le saut de classe risque donc de n'être qu'un pis aller de deux ans, peut-être, avant qu'il ne soit de nouveau en avance sur les autres, puisqu'il apprend plus vite. Jusqu'où pouvons nous aller ainsi avec un enfant qui est déjà de fin d'année? Pouvons nous faire passer en sixième un enfant de neuf ans? Dans certains collèges pour enfants précoces, les enfants ne mettent que deux ans pour engranger les cours de la 6ième à la 3ième. Mais à quoi cela peut-il bien mener d'avoir son bac à 15 ou 16 ans?

La noeud pourrait être tranché d'une manière ou d'une autre, s'il ne se résumait qu'à "s'ennuyer ou être trop jeune pour la classe dans laquelle on est".

Car le paramètre ultime à intégrer dans l'équation est le suivant:
En lisant les psychologues spécialistes de la question, on se rend compte qu'il est erroné dans la majorité des cas de croire qu'un enfant précoce réussira forcément quoi qu'il en soit tout au long de sa scolarité, du simple fait de son intelligence, puisqu'en gros la moitié est en échec scolaire ou avec la tête à peine hors de l'eau en 3ième. Tout ça parce que si on le laisse tranquillement s'ennuyer en se disant que de toutes manières, il est en avance, il n'apprend pas comment apprendre, et il n'apprend pas à domestiquer et adapter son intelligence à ce qui lui est demandé. L'enfant précoce avec sa pensée non-linéaire et son approche intuitive des maths se casse la figure de manière retentissante et ne trouve pas ce qu'il doit faire pour se relever.

Aucune de ces prospectives n'est réellement réjouissante. Nous sommes condamnés d'une certaine manière à le laisser s'ennuyer  (au moins un peu) pour éviter une avance vraiment préjudiciable, tout en trouvant des moyens pour qu'il apprenne à gérer son intelligence, pour qu'il s'adapte à un mode de pensée qui n'est pas le sien, à des exigences qui lui sont étrangères. Il nous faut donc louvoyer, avec en prime comme objectif (si on relit ce qu'écrit Arielle Ada), lui donner le goût du plaisir dans l'effort. Vaste programme.

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