vendredi 29 octobre 2010

Correspond / ne correspond pas

Je suis en train de chercher une doc qui me permettrait d'expliquer en 4 pages succinctes les caractéristiques d'Alexis en tant qu'enfant précoce et les grandes lignes de ce que les psychologues spécialistes de la questions conseillent. Je suis informaticien, passionné d'une discipline minoritaire (le logiciel libre) et je suis persuadé qu'une personne non-convaincue est soit de mauvaise foi soit ignorante. Pour convaincre la mauvaise foi, rien à faire, je crains. Pour l'ignorance, mon bagage d'informaticien, me dicte qu'une belle documentation concise et facile à lire vaut mieux que des explications brouillonnes et passionnées sur le pas d'une porte.
Me voilà donc à patrouiller le web.

Premier arrêt, l'irremplaçable Wikipedia.

Dans l'article (assez fourni sur la précocité, je tombe sur les caractéristiques des enfants précoces. Je me suis amusé à les mettre en tableau pour voir ce qui correspondait à Alexis beaucoup, un peu, pas du tout. Comment ai-je pu douter?:


Caractéristique
oui un peu
non
Caractéristiques



     peuvent ressentir un intérêt allant jusqu'à l'obsession pour un sujet particulier, puis en changer subitement
X


     curiosité et soif d'apprendre, posent beaucoup de questions, sont capables d'acquérir des connaissances par leurs propres moyens X


     capacité d'hyper-concentration (en faisant abstraction de l'environnement) X


     conscience méta-cognitive (savent identifier et réutiliser les stratégies qu'ils emploient pour résoudre des problèmes) X


     intérêt atteignant parfois momentanément un niveau obsessionnel pour certains sujets X


     apprentissage précoce de la lecture, parfois sans aide extérieure X


     hypersensibilité

X

     souvent possessifs


X
     tempérament solitaire

X

     sens de la justice
X


     grande capacité d'attention X


     maturité intellectuelle supérieure à celle des enfants de leur âge (dyssynchronie externe)
X


     affectivité et/ou développement psycho-moteur parfois en décalage avec la maturité intellectuelle (difficultés en écriture) : dyssynchronie interne
X


     sens de l'humour
X


     sensibilité à l'harmonie (musique, esthétique)
X


     mémoire importante X


     capacité à suivre une conversation ou un exposé en faisant autre chose
X


     facilité à justifier ses comportements a posteriori
X


Centre d'intérêt



     lisent beaucoup et vite, y compris des livres complexes
X


     intérêt pour les origines de l'homme, de l'Univers, pour la Préhistoire, l'histoire et la société
X


     jeux « compliqués »


X
     préoccupés très tôt par la mort
X


     se passionnent pour beaucoup de sujets en changeant souvent
X


     intérêt pour les problèmes moraux, philosophiques, métaphysiques, politiques

X

     tentés par les expériences « limites », sensibilité aux addictions


Vie Relationnelle



     difficultés d'intégration dans les groupes
X


     suscitent plus que d'autres l'intérêt et/ou le rejet
X


     recherchent la compagnie d'enfants plus âgés
X


     aiment dialoguer avec les adultes. X



Il est bien précisé au bas de la liste que:
Même si un nombre important de ces caractéristiques se manifeste, le diagnostic de la surdouance ne peut être établi ou confirmé que par un professionnel compétent à l'issue d'un bilan psychologique comprenant un test de Q.I.
Pas évident de se reporter à cet article pour faire une doc, ceci dit, au moins en ce qui concerne la partie neurologique ou neurobiologique: On retient néanmoins une plasticité du cerveau et une rapidité d'apprentissage correspondant à ce qu'on trouve chez le nouveau-né.
L'article parle également de dyssynchronie. On peut retenir:

Des études comme celles d'Arielle Adda ont (...) parfois constaté un décalage entre la parole et la pensée, certains enfants ayant des difficultés à exprimer une pensée qui va plus vite que les mots, ce qui, chez certains, peut aller jusqu'au bégaiement.
Cette dyssynchronie peut également exister dans le décalage entre la rapidité de pensée et la rapidité d'écriture. La pensée va plus vite que la main, provoquant des ratures, voire des phrases incomplètes.

Arielle Adda...  ...deuxième arrêt. 

J'ai vu son nom à plusieurs endroits, lu plusieurs de ses écrits. Une psychologue clinicienne spécialisée dans les enfants précoces dont la lecture est particulièrement agréable, même si parfois inquiétante. J'ai retrouvé certains de ses textes, notamment celui sur le site du GAPPESM: l'enfant et l'effort. Ce texte est tout de même un peu inquiétant. Il dit en substance:


    - En Primaire, un seul effort : supporter l'ennui. (...):  Durant tout le Primaire, les pédagogues ne se posent pas de question: « Tant mieux s'il réussit facilement » (...)

    - Un mécanisme qui n'a jamais été activé: Les parents ont tellement peur de gaver leur enfant pour se voir ensuite reprocher de le pousser et de le rendre malheureux, qu'ils auraient plutôt tendance à le freiner. D'ailleurs, en classe, l'enfant doué a très vite appris à se freiner lui-même, la réponse superficielle qui lui vient aussitôt à l'esprit étant généralement considérée comme très satisfaisante.Il se construit donc de lui-même une image à partir de ce qu'on lui renvoie : un enfant différent des autres en ce sens qu'il ne doit pas forcer son talent en classe, ce serait non seulement inutile, mais presque déconseillé puisqu'en approfondissant sa réflexion il se démarquerait beaucoup trop de ses camarades avec les effets secondaires désastreux que cela entraînerait.

    - Cependant, arrive inéluctablement le moment où cette aisance merveilleuse commence à disparaître : En 4°, en 2°, en Terminale, ou plus tard, en Prépa., il n'y a pas de mots assez forts pour décrire l'effroi désespéré qui envahit celui qui ne savait pas ce que travailler veut dire. Sa mémoire ne fonctionne plus, la solution des problèmes ne lui apparaît plus de façon lumineuse et, en outre, il ne sait pas justifier la réponse exacte qu'il a trouvée et il a une mauvaise note. Il est totalement incapable de maîtriser ce raisonnement intuitif et rapide qui lui fournissait tout naturellement cette solution.

    - Il arrive alors que cet élève égaré pense qu'il existe une formule miraculeuse:
    Il suffirait de trouver celle qui lui convient. Il va donc, répétant qu'il voudrait « apprendre à travailler » à ses parents momentanément soulagés, puisqu'ils pensent qu'il va devenir plus raisonnable, mais cette formule correspond dans son esprit à découvrir le mode d'emploi d'un appareil, distraitement utilisé jusque-là, en lisant enfin attentivement la notice, sans démarche personnelle de travail assidu. Assidu ? Que signifie « travail assidu » ?C'est là que réside le malentendu qui pousse à créditer ces adolescents de toute puissance, alors que ce pourrait finalement n'être qu'une question de terminologie. « Travail » n'a pas le même sens pour chacun. Il en va de même pour bien d'autres notions, l'humour par exemple, mais là personne ne s'en étonne.

    - Un rêve qui devient possible: Le plus sage consiste à donner, dès le début, ce sens de l'effort pour qu'il ne reste pas théorique. « Dès le début » signifie dès la Maternelle, où les enfants amorcent déjà cet abandon du sens de l'effort : ils préfèrent rester semblables à leurs camarades de classe, alors que c'est dans ce tout jeune âge qu'ils peuvent apprendre à associer la notion de travail bien fait à celle de plaisir, mais, pour les y inciter, il faudrait modifier radicalement la pédagogie et accepter de prendre en compte les particularités des enfants doués ; on éviterait alors ces brutales plongées mortifères dans un échec annonciateur de catastrophe. Le prévenir serait plus efficace que de le soigner, avec plus ou moins de succès, et sans éviter toutes les traces douloureuses qu'il laissera, parfois la vie durant. Les élèves qui refusent de voir leurs notes baisser réussissent bien à éviter ce cap dangereux, quitte à souffrir face aux pesants pensums qu'ils s'obligent à effectuer, mais ils gardent le cœur léger, ils conservent une harmonie familiale sans drame et ils peuvent s'offrir le plaisir de rêver tout à loisir.

 Je crois bien que la maîtresse d'Alexis a bien perçu cette nécessité de maintenir l'envie d'effort, puisque c'est quelque chose qu'elle a verbalisé, mais aveuglée par une précédente expérience avec un enfant à la fois précoce ET très scolaire, elle a eu tendance à baisser les bras quand le comportement d'Alexis a exprimé qu'il préférait être exactement comme ses copains de classes et surtout pas faire des choses qui le différencient aux yeux des autres.
Pour Arielle Adda, manifestement, le problème, en primaire et plus tard, n'est pas tant comment l'enfant se situe par rapport aux autres ou par rapport aux exigences de l'école sur un niveau donné, mais bien qu'il apprenne à apprendre et qu'il apprenne à trouver du plaisir dans la difficulté de l'apprentissage. S'il n'est pas nourri de difficultés qu'il prend plaisir à surmonter, si tout reste toujours facile, il est tôt ou tard confronté à son incapacité à fournir les efforts d'apprentissage exigés, puisque le mot effort ne veut pas dire la même chose pour lui et pour les autres. Ressort la vieille mythologie du sportif dont le pire adversaire est lui-même...

Minuit et demi. Fin du voyage pour cette fois. Je ne sais toujours pas quoi mettre dans ma doc. 

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